Zone de contact entre l'Afrique noire et l'Afrique du Nord, le Mali, qui a fait l'objet de récits de voyages à partir du VIIIe siècle, a vu très tôt émerger sur son territoire des Etats structurés, étendus et hiérarchisés, qui ont fait sa renommée au-delà du continent: le royaume du Ghana, l'empire du Mali et l'Empire songhaï. L'histoire de ces royaumes est bien connue grâce aux traditions orales mais également par les récits des voyageurs arabes qui ont témoigné de la richesse de ces Etats et du faste qui régnait à la cour de leurs souverains. Mais la substitution de l'Atlantique aux routes transsahariennes, due au redéploiement du commerce mondial, amorça le déclin de ces grandes constructions politiques de l'intérieur du Sahel.
L'émergence précoce des États dans la boucle du Niger s'explique par la prospérité économique qui reposait sur une conjugaison de facteurs bénéfiques: la douceur et l'humidité du climat, favorable aussi bien à l'élevage qu'à l'agriculture; la proximité de nombreuses mines d'or qui alimentèrent pendant longtemps le Moyen-Orient et l'Europe, en particulier pour la frappe de leurs monnaies; et surtout, à partir du VIIIe siècle, l'expansion du commerce transsaharien auquel les Etats successifs, idéalement situés au croisement des principales routes, participèrent activement. Les échanges commerciaux favorisèrent la diffusion de l'islam dans la région, à partir du VIIIe siècle: celui-ci bénéficia à la fois du prosélytisme des musulmans mais surtout du prestige de leurs marchands, tout à la fois riches et lettrés.
Les grands empires
Le royaume de Ouagadougou (littéralement «pays des troupeaux»), plus connu sous le nom de Ghana, est le premier Etat d'Afrique noire selon les historiens: il aurait été créé vers le IVe siècle et se serait étendu au VIIIe siècle. A son apogée, au IXe siècle, le Ghana s'étendait du Tagant au Haut Niger et du Sénégal à Tombouctou, sur une grande partie du Mali et de la Mauritanie actuels, peut-être au-delà. Sa capitale, Koumbi-Saleh (localité située dans l'actuelle Mauritanie), était édifiée près des grands centres aurifères du Bambouk et du Bouré. Sa prospérité était associée à celle de grands centres urbains, tels Aoudaghost et Oualata. A la même période, des axes commerciaux transsahariens se mettaient en place; or et esclaves s'échangaient contre du sel. Au XIe siècle, les Almoravides venus du Maroc, à la fois dans l'espoir de prendre le contrôle du commerce et d'étendre l'islam, envahirent le Ghana (prise de la capitale en 1076). Le royaume entra alors dans une phase de déclin. En 1203, il tomba sous la coupe de son ancien vassal, le royaume sousou (dans la Guinée actuelle).
Profitant de l'effritement du Ghana au XIIe siècle et du déplacement des centres économiques vers Tombouctou et Gao, le royaume du Mali s'est constitué au XIIIe siècle: sous la direction de Soundiata Keita, les populations du plateau Manding écrasèrent le royaume sousou à la bataille de Kirina en 1235 et se libérèrent de sa tutelle. Les Mandings s'unirent pour former le royaume du Mali et choisirent Soundiata pour souverain. L'armée poursuivit son avancée et conquit un vaste territoire qui s'étendait de Gao à l'océan: le royaume devint alors un puissant empire. Il atteignit son apogée sous le règne de Kankan Moussa (1312-1337), rendu célèbre par son pèlerinage à La Mecque, au cours duquel il frappa l'imagination de ses hôtes par ses richesses. Kankan Moussa fit du Mali un haut lieu de rencontres entre lettrés musulmans, mais n'en respectait pas moins ses sujets non convertis à l'islam. Au XIVe siècle, des querelles de succession et des velléités indépendantistes fragilisèrent le Mali qui devint une proie tentante pour son voisin en plein essor, le Songhaï.
Créé sans doute au VIIe siècle et d'abord vassal de l'empire du Mali, le royaume songhaï prit son essor sous la dynastie des Sonni, arrivée au pouvoir au XIVe siècle. Après s'être libéré de la tutelle du Mali, le Songhaï se lança à son tour dans des guerres de conquête. Deux empereurs se distinguèrent particulièrement dans la grande épopée guerrière de l'Empire songhaï: Sonni Ali Ber et l'Askia Mohammed. Sonni Ali Ber (Sonni Ali «le Grand») qui régna de 1464 à 1492, conquit Tombouctou, alors aux mains des Touareg, et intégra le Macina à son territoire; l'Askia Mohammed, qui vainquit Sonni Ali Ber en 1492 et substitua au titre de sonni celui d'askia, consolida l'Empire songhaï et lui donna une organisation encore plus élaborée que celle de l'empire du Mali. Les grandes villes – Tombouctou (qui abritait alors près de 100.000 habitants), Djenné, Gao et Oualata – étaient d'importants centres économiques et religieux. Leurs mosquées, écoles coraniques et universités, où séjournaient des savants du Maghreb, comme Ahmed Baba, jouissaient d'une très grande renommée. Les routes commerciales transsahariennes passaient par Taoudenni, site stratégique pour ses mines de sel. A la fin du règne de l'Askia Mohammed, en 1528, l'Empire songhaï étendait sa puissance sur la majeure partie du Mali, du Niger et sur le Sénégal. Mais, en 1591, Djouder, général de l'armée marocaine, mena un bataillon à travers le désert et, grâce à la puissance de ses armes à feu, défit le Songhaï.
Déclin et renouveau, du XVIIe au XIXe siècle Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les équilibres géopolitiques subirent une radicale mutation : l'arrivée des Européens entraîna un renversement des flux d'échanges commerciaux au profit de la côte atlantique et l'effondrement progressif du commerce transsaharien; ces changements, avec le «commerce triangulaire» (l'esclavage), amenèrent un déclin général de la région et furent à l'origine de profonds bouleversements politiques. Cette période fut également marquée par l'expansion, tantôt pacifique tantôt guerrière, de l'islam.
Sur le plan politique, la chute de l'Empire songhaï amorça une phase de profond désordre qui permit l'émergence de nouveaux États, parfois éphémères. À l'est, des factions touareg constituèrent au XVIIe siècle un royaume nomade qui prit le contrôle de la boucle du Niger. Au XVIe siècle, au sud-ouest, les Bambaras organisèrent leur société en Ton Dyon («esclaves de l'association»), y remplissant des obligations collectives. Biton Koulibaly transforma le Ton Dyon en une armée de métier. Le fleuve Niger redevint alors l'axe stratégique de la région, où les Bambaras fondèrent deux royaumes rivaux, en amont de la confluence Niger-Bani : le royaume de Ségou, qui s'étendait du haut Niger à la région de Djenné et qui atteignit son plein essor sous le règne de Biton (1712-1755) puis sous celui de Ngolo (1790-1808); et le royaume du Kaarta, à son apogée à la fin du XVIIe siècle. Sous l'impulsion de Cheikhou Amadou (1775-1844), marabout nommé cheikh par Ousmane dan Fodio, les Peuls du Macina lancèrent un vaste jihad et fondèrent un État théocratique, l'empire (ou Dina) du Macina, avec Hamdallaye (littéralement «Louange à Dieu») pour capitale.
Le jihad proclamé dans tout le Sahel par El Hadj Omar, membre de la Tidjaniyya, déboucha sur l'annexion par l'Empire toucouleur des royaumes bambaras dans les années 1850, puis de l'empire du Macina en 1862.
La colonisation
Au XVe siècle, le Français Anselme d'Isalguier prétendit avoir atteint la ville de Gao et avoir épousé une princesse songhaï, mais les véritables explorations ne commençèrent qu'à la fin du XVIIIe siècle (l'Ecossais Mungo Park alla jusqu'à Ségou) et au début du XIXe siècle: l'Anglais Gordon Laing en 1826, puis le Français René Caillié en 1828 atteignirent Tombouctou. Les Français firent du fleuve Sénégal leur axe de pénétration vers le Niger. Leur progression depuis la côte, à partir de 1857, puis leur conquête militaire se heurtèrent alors à la résistance de trois forces: l'Empire toucouleur, qui fut vaincu en 1893; celui de Samory Touré, qui dut migrer en 1892 vers la Côte-d'Ivoire; le royaume de Sikasso, ville qui ne tomba héroïquement qu'en 1898.
Ce fut au moment où la présence française commençait à devenir effective que s'affirma le pouvoir de Samory Touré. Celui-ci, aidé par les commerçants dioulas, organisa, à la croisée des chemins de l'or, le commerce du sel, des esclaves, des chevaux et des produits manufacturés, en particulier des armes à feu. Etendant son pouvoir sur un vaste territoire, Samory se heurta vaillamment, et plus d'une fois victorieusement, aux troupes coloniales.
Le Mali (sous le nom de Haut-Sénégal-Niger puis de Soudan) devint, en 1895, une colonie française intégrée à l'A-OF, avec Kayes puis, en 1907, Bamako pour chef-lieu. Durant la période coloniale, ses frontières furent plusieurs fois modifiées. Les Français mirent peu en valeur l'économie du Mali, éloigné des côtes. En 1904, ils inaugurèrent la ligne de chemin de fer reliant les fleuves Sénégal et Niger. L'expansion coloniale française se fit rapidement, avec le contrôle de la production et la mise en place des infrastructures, comme la voie ferrée Dakar-Niger, inaugurée en 1923. De 1925 à 1939, l'Office du Niger tenta un projet irréaliste d'irrigation dans la boucle du Niger.
Du Soudan français à la république du Mali
Après la Seconde Guerre mondiale, les revendications en faveur de l'indépendance s'intensifièrent. En 1945, le Soudan (c'est-à-dire le Mali actuel) envoya son premier député au Parlement français: Fily Dabo Sissoko. En octobre 1946 fut créé à Bamako le parti du Rassemblement démocratique africain (RDA), parti fédératif qui possédait une représentation dans la plupart des colonies françaises et qui prônait l'indépendance immédiate de l'Afrique française. Au Soudan, ce fut l'Union soudanaise (US-RDA), dirigée par Modibo Keita et Mamadou Konaté. La loi-cadre de 1956 accorda aux colonies françaises une certaine autonomie. En 1958, interrogées par référendum, les populations du Soudan votèrent massivement en faveur de la Communauté française qui recueillit 97 % de «oui». En septembre 1959 naquit la fédération du Mali, regroupant l'ex-Soudan français et le Sénégal, et qui accéda à l'indépendance le 20 juin 1960. Mais dès le 20 août, des dissensions firent éclater la Fédération et, le 22 septembre, le Soudan proclama son indépendance et devint la république du Mali. Modibo Keita en fut le premier président.
Prônée par Modibo Keita, la doctrine socialiste du Mali naissant mit l'accent sur le rôle de l'Etat dans le développement: le parti-Etat vit le jour et, jetant les bases d'une gestion socialiste de l'économie en créant des sociétés d'Etat et des coopératives agricoles, l'US-RDA étendit rapidement sa mainmise à de nombreux secteurs de l'économie. Ces orientations politiques, ainsi que la sortie de la zone franc en 1962 lors de la création du franc malien, provoquèrent un froid dans les relations avec la France jusqu'en 1967. Ce faisant, le pays resta longtemps dépendant de l'Union soviétique. En 1967 et en 1968, des querelles au sein de son entourage amenèrent Modibo Keita à suspendre l'Assemblée nationale. Le 19 novembre 1968, le président fut renversé par un groupe de jeunes officiers: il mourut en prison en 1977. La Constitution fut abrogée, les partis politiques interdits et le pouvoir confisqué par un Comité militaire pour la libération nationale (CMLN), dirigé par le lieutenant Moussa Traoré.
De Traoré à Konaré Malgré la promesse de faire revenir les civils à la tête de l'Etat, le régime se durcit. En 1976, l'UDPM (Union démocratique du peuple malien) devint le parti unique. Dans les années 1980, aggravées par la sécheresse, les difficultés économiques du Mali s'accrurent : endettement chronique, dépérissement des ressources publiques. Pour satisfaire les bailleurs de fonds et pour revenir dans la zone franc (1984), le Mali se devait d'apporter des changements profonds à sa politique.
Le gouvernement encouragea les investissements privés, libéralisa le marché des grains et assouplit le contrôle des prix. Les monopoles d'État furent abolis, la pression fiscale atténuée. Le programme d'ajustement structurel de 1988 permit la libération des prix agricoles et l'organisation des privatisations.
Mais, hostile à toute ouverture démocratique, Moussa Traoré répondit par les armes aux multiples grèves qui émaillèrent son gouvernement. A partir de 1990, le régime, accusé d'autocratie et de détournement des fonds publics, vit la contestation s'accroître au sein de la population. Lorsque, en mars 1991, l'ordre fut donné à l'armée de tirer sur les manifestants (106 morts et 708 blessés), la colère atteignit son paroxysme. Un groupe de militaires dirigés par le lieutenant-colonel Amadou Toumani Touré arrêta Moussa Traoré et mit en place un Comité de transition pour le salut du peuple (CTSP), chargé de préparer le retour au multipartisme et à la démocratie. Le respect scrupuleux des engagements pris par le CTSP aboutit à la mise en place de nouvelles institutions et à la transmission du pouvoir à un président démocratiquement élu en 1992: Alpha Oumar Konaré. Une Conférence nationale réunie en 1992 élabora de nouvelles institutions. Les élections de 1992 furent remportées par Alpha Oumar Konaré, qui devint chef de l'État, et par son parti, l'Adema (Alliance pour la démocratie au Mali). Le 13 avril 1993, l'ancien président Moussa Traoré fut condamné à mort, mais cette sentence n'a pas été exécutée. En mai 1997, Konaré a été réélu à la tête de l'Etat.
La permanence des problèmes aux frontières (ainsi, la détérioration des relations avec le Burkina Faso avait entraîné un conflit frontalier en 1985) contraint le Mali à affronter souvent ses voisins, et les dépenses militaires ont sensiblement augmenté dans les années 1980. En outre, Bamako s'expose aux velléités d'autonomie d'une partie de certains groupes ethniques qui trouvent souvent des appuis auprès des pays limitrophes.
En particulier, l'un des problèmes essentiels auxquels le Mali a dû faire face depuis son indépendance demeure la question touareg. La première révolte des Touareg éclata en 1962. La grande sécheresse des années 1970 et 1980 accrut les difficultés de l'économie pastorale et élargit le problème à toute la sous-région. Rébellions et répression se succédèrent jusqu'au début des années 1990. Plusieurs accords ont été signés, au niveau national et au niveau régional, pour trouver des solutions. Malgré le pacte national d'avril 1992 qui prétendit répondre à l'une des revendications du mouvement touareg (statut particulier pour les trois régions du Nord, l'Azawad), les affrontements culminèrent cependant de juin 1994 à janvier 1995. L'armée prit alors la base principale des rebelles, et la paix semble depuis s'être rétablie.
En mai 2002, Amadou Toumani Touré était élu au poste de chef de l'Etat, battant Soumaïla Cissé, candidat de l'Adéma au pouvoir, après que le président sortant eut annoncé qu'il ne briguerait pas un nouveau mandat.
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