A l'indépendance, en 1956, le Soudan était un pays essentiellement agricole. Aujourd'hui, son économie demeure tributaire d'une agriculture qui, avec l'élevage, occupe encore les trois quarts de la population et fournit, selon les années, entre 36 et 40 % du PNB. Cinq produits agricoles procurent 90 % des recettes à l'exportation: le coton (introduit au XIXe siècle par les Britanniques), la gomme arabique (le Soudan en est le premier exportateur mondial), le sésame, l'arachide et le sorgho. Le cheptel, le deuxième du continent africain, sert de support à un intense trafic clandestin avec les pays voisins.
Agriculture et irrigation
L'immensité du pays, les ressources hydriques du système nilotique et les disponibilités foncières ont longtemps fait rêver les dirigeants politiques et les détenteurs de pétrodollars, pour qui le Soudan devait devenir, grâce à l'irrigation, le grenier des pays arabes après le premier choc pétrolier. Les techniques de contrôle de l'eau sont, il est vrai, anciennes: submersion de cuvettes lors de la crue annuelle, utilisation du chadouf à balancier et de la sakieh à roue (techniques remontant au IIe millénaire av. J-C). L'agriculture irriguée moderne, promue par des gouverneurs égyptiens, date du XIXe siècle. De grands travaux d'aménagement du Nil et de ses affluents furent entrepris dès 1925 (barrages de Sennar et de Djebel Aulia). Les accords égypto-soudanais de 1959 concernant le partage des eaux du Nil – signés avant la construction du barrage d'Assouan – qui attribuèrent au Soudan un droit de prélèvement de 18,5 milliards de mètres cubes, ont facilité la construction de nouveaux barrages dans les années 1960 (Roseires, Khashm el-Girba). Sous l'influence de l'OPEP et grâce à l'afflux de dollars, de gigantesques projets furent relancés ou élaborés durant la décennie suivante: plan sucrier démesuré, mise en valeur de la cuvette du haut Nil – le canal de Jongleï, traversant les marais sur 400 km, devait réduire l'évaporation et augmenter le débit de 4 milliards de mètres cubes –, équipement de l'Atbara et de la quatrième cataracte. Mais tous ces projets ne purent voir le jour, et l'agriculture céréalière d'autosubsistance est toujours prédominante: concernant encore 59 % de la superficie cultivée, elle assure la moitié de la production agricole totale. Les résultats de l'agriculture modernisée – périmètres irrigués (14 % de la surface agricole utile) et cultures pluviales mécanisées (27 % de la surface agricole utile) – ne sont d'ailleurs guère probants. Les rendements demeurent insuffisants, y compris pour le coton. Les échecs sont nombreux: mauvaise gestion des fermes étatiques (complexes agrosucriers), découragement des producteurs de coton mal rémunérés par l'Etat (celui-ci détient le monopole de la commercialisation), difficultés de la culture pluviale mécanisée du sésame et du sorgho (un épuisement des sols et des effets de sécheresse se sont fait sentir lorsque d'imprudents défrichements avaient été réalisés). Tandis que les deux grandes cultures industrielles, le coton et la canne à sucre, sont menacées par leurs coûts financiers, la production céréalière, en déclin, ne peut faire face à l'accroissement de la population (2,7 % par an entre 1980 et 1990). La stagnation des productions agricoles, parfois même leur recul, a aggravé la situation alimentaire: les importations de céréales, aide internationale incluse, ont été multipliées par plus de cinq entre 1974 et 1990, passant de 171.000 à 921.000 t.
Industrie et services
La baisse des recettes de la balance agricole ne peut être compensée par un appareil industriel réduit, surtout lié à la transformation du coton et du sucre, produits fournissant moins de 8 % du PNB. Les réserves pétrolières du Sud n'ont pas été exploitées en raison de la guerre civile, alors que l'équipement énergétique est déficient et que les infrastructures de transport sont insuffisantes et souvent délabrées. Rayonnant autour de Khartoum, le réseau ferroviaire, l'un des plus longs du continent (plus de 5.000 km), est mal entretenu. Les 5.310 km de voies navigables demeurent sous-utilisées; le trafic sur le Nil est pratiquement interrompu dans la zone de combats entre Malakal et Bor. Si le réseau routier a été amélioré avec la route bitumée reliant la capitale à Port-Soudan, de gros efforts doivent encore être consentis pour intégrer l'espace national (liaison efficace entre le centre et les périphéries). Mal maîtrisée, la circulation des biens et des personnes échappe au contrôle des pouvoirs publics, multipliant les trafics illégaux transfrontaliers. De surcroît, les choix de modernisation agricole, l'accès aisé aux pétrodollars, le recours systématique à l'emprunt extérieur et le coût de l'effort de guerre ont abouti à un désastre financier: l'endettement est colossal (plus de 15 milliards de dollars en 1990, contre 322 millions en 1971); le déficit de la balance des paiements est passé de 43 millions de dollars en 1970 à 1,2 milliard en 1990. Malade des soubresauts politiques et des antagonismes nationaux, l'économie soudanaise est à la dérive. Le délabrement accentue, dans toutes les régions, les départs vers les villes et stimule les migrations vers les pays du Golfe, où travaillent environ 500.000 nationaux.